Aimé Destéract
Chapitre 5, suite
Le pénitencier de Belle-Ile-en-Mer
Durant
l'été 1850, la décision est prise de rassembler en un lieu unique, le camp de
Haute Boulogne à Belle-Ile, les républicains révolutionnaires les plus
dangereux, Blanqui, Barbès, Raspail, Gambon, Pilhes, Lacollonge, Delescluze,
Commissaire ... et bien sur Aimé Destéract (!) Six convois en octobre-novembre
1850, conduisent en Bretagne 244 prisonniers.
Avec le registre d'écrou n° 13, Aimé a du faire parti du premier convoi arrivé le 4 octobre 1850, (doc 1-2). Il découvre la citadelle de Vauban à l'entrée du port de Le Palais.
Le camp de Haute-Boulogne se trouve sur un glacis au nord de la citadelle (doc.
3).
Des baraquements ont été aménagé à la hâte et ils ne sont pas tous prêts pour
accueillir les détenus.
Blanqui et Barbès
seront débarqués le 2 et le 9 novembre (doc
4) discrètement dans l'anse de Port-Fouquet et devront attendre dans les prisons
du château Fouquet (doc
5). Le directeur de la prison, Vallet, écrit ses inquiétudes au
préfet du Morbihan, J.B.E. Boulage, concernant la sureté de la détention. Une
lettre qui aurait intéressé bien des détenus (doc
6-7).
Le pénitencier est entouré d'un mur d'enceinte,
l'ordre est assuré à l'intérieur par des gardiens, des gendarmes et si besoin
par les soldats du 22e de ligne (doc
8 à 11). Le plus difficile n'étant pas de s'évader des
bâtiments mais de quitter l'île. J'ai trouvé aux archives du Morbihan à
Vannes le plan et le règlement du camp (doc 12 à 15).
Les détenus sont répartis dans des chambres recevant 8 à 16 prisonniers.
Contrairement au Mont-Saint-Michel où l'isolement était total, ici ils vont
souffrir d'une permanente promiscuité. Surtout que cela se passe très mal entre
les deux clans pro-Blanqui et pro-Barbès.
Durant l'année 1851 de nombreux incidents vont rompre la monotonie de la vie des
détenus.
Trois livres nous donnent des renseignements sur la vie des prisonniers :
Dans les bagnes de Napoléon III, J.Y. Mollier.
Blanqui l'insurgé, A. Decaux.
Blanqui à Belle-Ile, A. Dommanget.
Une première manifestation de prisonniers a lieu
le 14 février 1851 pour protester contre le remplacement des pommes de terre par
des carottes. Je ne sais pas si Aimé a fait parti des 41 prisonniers enfermés 13
jours dans les casemates de la citadelle. Voici les rapports du directeur Vallet
et du gardien chef qui presque naïvement s'étonnent que les détenus en punition
crient, chantent, vocifèrent des insultes : "Encore des carottes ! Vallet à la
potence ! Vallet est le plus bête de ce que l'on peut dire de plus bête !" Voilà
en effet de quoi alarmer le préfet (doc. 16-17).
En avril, au nom des Montagnards restés
libres, Victor Schoelcher réunit une somme de 1800 Fr.et l'envoie aux détenus de
Belle-Ile, à charge pour eux d'organiser la répartition. Après de nombreuses
discussions, ils procèdent à l'élection d'une commission de répartition. Aimé
Destéract fait parti des 5 Barbésistes élus. Voilà qui nous renseigne un peu
plus sur ses opinions politiques.
A vous de choisir : Auguste Blanqui - Armand Barbès.
Le 14 mai, le directeur Vallet décide de ramasser
les tables dans les cellules afin d'y mettre le tampon de l'administration. Or
ces tables et étagères ont été fabriqué par les détenus avec des planches qu'ils
ont achetées à leur frais. Les prisonniers s'ameutent et résistent, on fait venir la force
armée. On évacue 27 récalcitrants du camp et on les enferme dans deux cachots de
la citadelle.
Destéract se retrouve dans le cachot du rez de chaussée que vous
pouvez toujours visiter avec émotion, à l'intérieur de la citadelle de Vauban à
Le Palais (doc.
18 à 21). Un
instant après, les gendarmes et les gardiens se présentent devant les cachots et
demandent aux détenus de sortir un par un afin que l'on puisse les fouiller.
Refus général, cris, insultes, coups de pieds, coups de poings, coups de
crosses, la fouille tourne mal.
Vallet envoie un premier rapport au préfet :
Destéract et Duvillard continuent de comploter dans leur
cachot !
(doc 22)
Destéract va se retrouver au quartier disciplinaire, c'est à
dire dans les caves du château Fouquet ! (doc
23-24-25).
L'événement allait faire du bruit car
les prisonniers vont faire connaître à l'extérieur le traitement qu'ils viennent
de subir. Le 20 mai le ministre Léon Faucher est interpellé à l'Assemblée
nationale.
Vallet essaye d'expliquer au préfet les causes de cette révolte (doc. 26
à 29). Dans le document 28 nous apprenons que Duvillard a même
donné un coup de pied à l'inspecteur !
La réunion en un même lieu de ces fortes têtes révolutionnaires devaient fatalement poser des problèmes de discipline. Le 25 août Vallet (sans doute épuisé) est remplacé par un nouveau directeur Durand. Le 22 septembre 1851, il signale une nouvelle bagarre entre Blanquistes et Barbésistes (doc. 30-31).
Ayant refusé de demander sa grâce, Aimé fera entièrement sa peine jusqu'au 19 février 1852.
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